Faut-il nationaliser la dette belge ?

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La Belgique finance beaucoup sa dette à l’étranger, pour payer moins d’intérêts. Revers : le risque de tempête des marchés, comme l’a vécu l’Espagne. Avec la crise politique, le risque de contagion est réel. Seul atout rassurant : le pays est riche. Plus qu’il ne le croit. Donc solvable.

Situation paradoxale pour l’Agence de la Dette, qui gère le financement des déficits fédéraux. “Les taux sont si bas que la charge des intérêts de la dette diminue de plusieurs centaines de millions d’euros alors que le déficit augmente !”, annonce Jean Deboutte, porte-parole de l’Agence. Résultat : les intérêts devraient représenter 11,3 milliards d’euros pour 2010, avec un déficit de 5,1 % du PIB, contre 12,3 milliards en 2008, avec un petit déficit de 1 %.

Dans le même temps, l’Agence de la dette n’a jamais vécu une période aussi risquée. Le sort de l’Espagne fait réfléchir… Ce pays, naguère modèle en matière de budget, a subi une tempête des marchés, une hausse des taux avec, pour conséquence, une nouvelle couche d’austérité pour rassurer les investisseurs internationaux.

Près de 60 % de la dette belge est à l’étranger

La solution espagnole est épluchée chez nous. Notre dette publique frôle les 100 % du PIB et figure en majorité (à 57,3 % selon la BNB) entre les mains d’investisseurs étrangers : banques, assureurs, fonds, banques centrales. La répartition précise n’est pas connue. Mais on constate aux émissions le recul de l’investisseur belge. En avril, une émission à 30 ans, de 4 milliards d’euros, n’a été acquise que par 5 % d’investisseurs belges, contre 12,2 % de Français et 35,8 % de Britanniques.

Le bord de la falaise est toutefois encore loin. L’Agence de la Dette n’observe pas de mouvement inquiétant sur les taux. Les obligations linéaires (OLO) à 10 ans s’échangent, sur le marché secondaire, 3,5 %, parfois un peu moins. Moins de 1 % d’écart avec le taux allemand (2,7 %), bénéficiaire de l’image de rigueur du pays. On a connu pire. D’ailleurs, à court terme, les taux belges sont minuscules : 0,28 % à trois mois, et 0,62 % à un an là où un pays comme l’Espagne paie 2,5 %.

Faut-il dès lors privilégier le placement des emprunts sur le marché belge ? “Fausse bonne idée”, estime Jean Deboutte. Si tous les pays nationalisaient leur dette, le marché serait moins liquide, les taux plus élevés.” Ce serait revenir à l’ancien système dénoncé par Philippe Maystadt, ministre des Finances dans les années 1990, qui avait mis la dette en concurrence. “L’Etat empruntait auprès du consortium des banques, qui était un véritable cartel (Ndlr : belge) et qui dictait ses conditions à l’Etat”, expliquait-il à La Libre Belgique, fin 2009.

Les risques d’une crise politique prolongée

D’autres pays semblent s’orienter vers une nationalisation. C’est ce qui ressort d’un rapport des primary dealers de l’Agence de la Dette. Le document relève les statistiques de transactions d’une grande partie du marché secondaire des OLO pour les cinq premiers mois de 2010. L’Espagne et l’Italie sont vendeuses nettes de la dette belge, à hauteur, respectivement, de 1,3 milliard et 800 millions d’euros, nouvelle tendance due, sans doute, à une préférence pour les obligations nationales. La France et l’Asie font partie des acheteurs nets, avec des soldes positifs de 2,2 et de 1,7 milliards d’euros.

Notre situation pourrait se compliquer si la formation d’un gouvernement s’éternisait. Ce gouvernement est attendu pour corriger la trajectoire budgétaire, qui devrait aboutir à un déficit zéro en 2015. “Notre solvabilité est bien meilleure qu’on ne l’imagine, rassure Philippe Ledent, économiste chez ING. Si la dette est élevée, le patrimoine des Belges est, proportionnellement, l’un des plus importants en Europe, il représente 180 % du PIB. Nous sommes très solvables.” Le calcul consiste à additionner le patrimoine financier des particuliers et à en ôter les crédits hypothécaires. La France n’arrive qu’à 117 %, la Grèce à 55 %. C’est rassurant à une condition : que les marchés continuent à prendre en compte ce bon indice. Sinon, la facture est connue. Chaque pour cent coûtera 370 millions supplémentaires au budget. Tous les ans.

Robert van Apeldoorn

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